L’Unsfa a répondu avec intérêt à la sollicitation de l’Académie d’architecture pour participer aux réflexions communes de la profession. C’est donc avec conviction que nous apportons notre contribution au Grand Débat sur les sujets que les architectes peuvent enrichir de leurs réflexions. Nous ne cessons d’affirmer que leurs expériences et leurs pratiques en font des observateurs particulièrement avertis sur tous les sujets qui touchent à la vie en société et à son environnement.
Mais nous avons conscience que l’agrégation de propositions juxtaposées n’est pas suffisante pour conduire un projet politique cohérent. C‘est la raison pour laquelle, nous considérons que les textes qui en ressortent doivent faire l’objet d’un travail de fond sur leur faisabilité, leur cohérence et leur mise en pratique. Tous ne peuvent pas déboucher sur de nouvelles règles immédiates, nombreux sont ceux qui doivent être confrontés aux difficultés du terrain.
De ce fait l’Unsfa met à la disposition de tous les acteurs qui voudront donner suite aux propositions formulées, sacapacité à représenter toutes les diversités territoriales et ses différents domaines d’exercice pour aider à passer du débat à l’action.
Les propositions qui suivent sont un « concentré » des points et idées que nous pensons «pouvoir être travaillées»,mais elles sont loin d’être abouties. Cependant, nombre d’entre elles correspondent à des positions que l’UNSFA défend depuis de nombreuses années.
Préambule : L’Académie d’Architecture a invité les principales organisations professionnelles autour d’une même table de l’Architecture, en vue de débattre et établir des propositions à l’occasion du Grand Débat National. Des réunions, des synthèses et dialogues ont permis de rédiger cette présente proposition, regroupant ainsi des éléments concrets pour la France et ses territoires grâce à plus de 10 organisations, syndicats, associations.
Soixante-treize propositions ont été émises, l’Unsfa en retient vingt, qui doivent être développées :
I. FAIRE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE UNE PRIORITE NATIONALE POUR UNE SOLIDARITE ENTRETERRITOIRES ET AINSI PALIER A LA FRACTURE TERRITORIALE.
– 1. Améliorer la solidarité et les dynamiques entre territoires, entre métropoles et villes moyennes/villages et faire évoluer les territoires en marge de la métropolisation.
Favoriser le passage du statut de « petite ville satellite » (qui nécessite pour l’habitant des déplacements dans une autre pour des usages non exceptionnels et qui n’a pas un bassin d’emploi suffisamment diversifié) au statut de ville «complète». Arrêter l’extension parisienne qui rend cette mégalopole de moins en moins «durable» et résiliente, tout devenant trop chère et trop complexe.
– 2. Améliorer les zonages bâtis urbains qui créent la ségrégation des fonctions, des activités, des usages et des utilisateurs. Il faut retrouver et favoriser la mixité habitation/ logements/ activités, au sein d’une même zone.
– 3. Arrêter la création de centres commerciaux en dehors des cœurs de villes, et qui les ont tuées. Valoriser le retour des activités et commerces dans les cœurs des villes et recréer une mixité des fonctions.
– 4. Construire et re-construire la ville avec les habitants et les architectes, en créant des lieux collectifs et permanents de projets permettant de traduire leurs besoins au sein de chaque collectivité. La politique de la ville, au plus près des besoins des habitants est plus efficace et plus économique.
Transformer les zones « péri-urbaines » en apportant un maximum de mixité d’occupation
II. L’HABITAT : LE COÛT DES LOGEMENTS DOIT DIMINUER, EN RÉDUISANT LE COÛT DU FONCIER ET EN MODIFIANT LA POLITIQUE FISCALE ET NATIONALE, PERMETTANT AMÉLIORER LE POUVOIR D’ACHAT TOUT EN EXIGEANT LA QUALITÉ
La dépense publique en matière de logement est de 54 milliards/an. Malgré ces dépenses, 4 millions de personnes sont mal logées et 12 millions sont fragilisées en France (source fondation Abbé- Pierre. 2018).Ces dépenses pourraient être utilisées de manière à mieux répondre aux besoins réels des Français.
Le coût des logements est trop élevé, représente 40 % de la dépense des ménages les plus fragiles. Le gros problème est le coût du foncier et de certains intermédiaires.
– 5. Repenser l’ensemble des politiques du logement public de manière globale, pour mieux répondre aux besoins avec les mêmes moyens.
Les coûts de construction en France, souvent décriés, sont inférieurs à ceux de nombreux pays voisins: Allemagne, Belgique, GB, NL, Autriche, Suisse, et actuellement comparables avec ceux de l’Espagne.
Le foncier est un vrai problème de raréfaction et de coût y compris dans des villes moyennes. Dans certains secteurs l’incidence foncière a été multipliée par 5 en 20 ans !
Le problème de la filière est lié en partie à la multiplication des intervenants et des intermédiaires qu’il faut bien rémunérer… Mais on ne donne plus les justes moyens aux architectes !
Le patrimoine foncier et l’espace public doivent être re-maîtrisés sur le long terme.
Il faut encadrer la vente des logements sociaux, afin de vraiment permettre aux locataires des logements sociaux d’acquérir, avec des aides adaptées, leur appartenant et d’éviter que des grands groupes rachètent des dizaines de logements, à la fois.
Il faut réduire les coûts des logements par la maîtrise du prix du foncier et la réorganisation de la filière.
– 6. Agir sur l’offre et le prix du foncier pour en réduire le coût.
Par le développement d’une offre publique à prix abordable (lotissements communaux, terrains publics mis à disposition à conditions préférentielles pour la création de logements sociaux,…) élargissement d’une offre privée à prix abordable par une évolution des règlements d’urbanisme et une fiscalité incitative.
– 7. La vente des terrains de l’État, des collectivités et des entreprises publiques doit privilégier le développement de logements ou d’équipements d’intérêt public, et diverses dispositions adaptées à chaque cas peuvent y contribuer : vente à prix réduits, baux emphytéotiques, locations longues durées …
– 8. Réorganiser la filière, le portage, financement, management des projets, réduire la financiarisation des logements.
– 9. Régionaliser la politique du logement et prendre en compte les spécificités régionales et territoriales àl’échelle des régions
– 10. Finaliser la réécriture du Code la construction et de l’habitation qui est en cours, avec dessimplifications, et l’UNSFA y participe. Mais, il est utopique de penser que nous pourrons atteindre un code de 60 pages.
– 11. Redonner aux bailleurs sociaux et à la Caisse des dépôts une réelle mission au service public du logement
III. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, ÉCOLOGIQUE ET L’APPORT DES ARCHITECTES
– 12. Privilégier systématiquement rénovation et reconversion : Élargir le champ d’action de l’ANRU à la rénovation et à la reconversion des bâtiments plutôt qu’à leur destruction,puis simplifier les procédures et rendre obligatoire le recours à l’architecte en rénovation et reconversion. Chaque année plus de 30 Milliards y sont destinés avec des procédures beaucoup trop longues et trop complexes qui doiventd’urgence été simplifiés.
– 13. Conditionner les aides de l’État à des résultats environnementaux globaux:
Pour cela imposer l’intervention d’un architecte qui optimisera et aura une vue d’ensemble des aides publiques destinées à la rénovation en fonction de la réalité du bâti.
Cela aurait un impact positif sur les structures de petites tailles des agences d’architecture, leurs permettant aussi de pouvoir se regrouper. Instaurer des contrôles à posteriori en réorientant l’action des organismes d’État vers l’aide et le contrôle global des constructions « vertueuses », plutôt que vers des aides partielles dont l’efficacité n’est pas avérée.
-14. Aider à obtenir ces résultats par la création d’un label environnemental global gratuit et simple d’utilisation que l’on retrouve dans de nombreux bâtiments publics actuels (enseignements, bureaux, hôpitaux, équipementspublics…). Cela permettra de faire évoluer la culture de la filière, de la conception à l’exploitation, vers une culture globale d’exigence de résultats plutôt que de moyens ponctuels, dissociés, coûteux et peu efficaces. Tout en y associant les ressources locales, matériaux biosourcés, énergie locales.
– 15. Alléger la responsabilité décennale pour des interventions partielles faciliterait largement ce type d’interventions.
Il faudrait se calquer sur les propositions de convergences du CAE qui ont été votées par l’UNSFA : garanties obligatoires de 5 ans portées par tous les acteurs et assurées dès leur début d’intervention, suppression des condamnations in-solidum, suppression de la présomption de responsabilité. Ces garanties étant complétées par une garantie de chose à la charge du maître d’ouvrage qui peut en définir les extensions éventuelles dont il a besoin. Cette proposition du CAE qui porte sur l’ensemble des constructions a pour avantage, en plus de faciliter les interventions transfrontalières, de mieux responsabiliser l’ensemble des acteurs dès le début de leur intervention et de mieux encadrer les responsabilités pour réduire la sinistralité et les coûts qui en découlent.
IV. DÉMOCRATIE ET CITOYENNETÉ : LA QUESTION DE LA VILLE ET DE LA CIVILISATION EUROPÉENNE
-16. Promouvoir systématiquement le modèle de la ville européenne et de l’aménagement des territoires qui a largement fait ses preuves en matière de qualité de vie, de mixité sociale, d’efficacité énergétique, de transportspublics, de beauté, de qualité de vie. Identifier et favoriser un véritable réseau des villes et des territoires européens.
V. RENFORCER DANS L’AMENAGEMENT DU CADRE BATI ET DU TERRITOIRE, LA PLACE DES ARCHITECTES, PROFESSIONNELS QUALIFIES, INDEPENDANTS ET GARANTS DE L’INTERET PUBLIC ET DELA QUALITE ENVIRONNEMENTALE.
– 17. Créer un grand Ministère de la ville et du cadre de vie :
Requalifier les deux ministères concernés par le cadre de vie, (Logement et Écologie), en créant un grand Ministère de l’aménagement du territoire, de la ville, du logement et de l’environnement avec des compétences élargies et des moyens. Et lui confier la tutelle de l’Architecture en gardant ses missions propres liées au patrimoine au Ministère de la Culture. Ou créer une mission interministérielle gérant ces questions et regroupant l’architecture, l’urbanisme, la cohésion des territoires, l’environnement, l’habitat et les paysages, le patrimoine et l’ensemble des champs et disciplines concernées par le cadre de vie.
Les problèmes des territoires, de la ville, de l’habitat, de la transition énergétique et écologique, du cadre de vie en général, nécessitent une vision globale, une prise en compte des problèmes et des contrôles de manière globale.
– 18. Renforcer les compétences des architectes français et leur nombre pour les adapter à de nouveaux besoins et de nouvelles attentes sociétales :
En augmentant les moyens affectés aux ENSA tant pour l’enseignement que pour la recherche.
En renforçant le contenu technique et environnemental des enseignements de initiaux. En favorisant les échanges internationaux, dans le cadre de la formation initiale et continue, et de la mobilité professionnelle.
En réformant la HMONP dans son contenu et sa durée qui devrait être de 2 ans pour répondre à une hauteexigence qualitative en adéquation avec celles d’autres pays européens et d’autres pays développés
En augmentant les moyens affectés aux ENSA tant pour l’enseignement que pour la recherche.
En renforçant le contenu technique et environnemental des enseignements de initiaux. En favorisant les échanges internationaux, dans le cadre de la formation initiale et continue, et de la mobilité professionnelle.
En réformant la HMONP dans son contenu et sa durée qui devrait être de 2 ans pour répondre à une hauteexigence qualitative en adéquation avec celles d’autres pays européens et d’autres pays développés
– 19. Redonner l’ensemble des missions aux architectes, pour leur permettre d’agir pleinement sur laqualité du cadre de vie et l’aménagement du territoire.
Par l’extension de l’obligation du recours à l’architecte pour toute construction à une mission de base comprenant l’ensemble des missions de conception et de contrôle des travaux, comme cela est obligatoire ou correspond aux pratiques habituelles dans la plupart des pays européens.
Par la mise en place d’un permis de rénover.
En revenant à l’obligation du recours à l’architecte pour les permis d’aménager tel que prévu par la Loi LCAP et supprimé par la Loi ELAN.
En adaptant les seuils de recours à l’architecte, qui devaient être provisoires et de portée limitée, aux nouvelles attentes sociétales et aux enjeux environnementaux.
– 20. Renforcer les architectes dans leur rôle de garants de l’intérêt public. En préservant le caractère réglementé de la profession.
En généralisant le conseil des architectes auprès des élus. En affectant un architecte conseil territorial indépendant à chaque collectivité locale, et en redonnant les moyens de la taxe aux CAUE, pour leur permettre de remplir leurs missions de conseil auprès des élus et des particuliers.
En rétablissant un barème, tel que proposé par le Conseil des Architectes d’Europe, pour permettre d’encadrer le contenu des missions et les moyens à y affecter, garantir une juste rémunération et l’indépendance des professionnels, et permettre au maître d’ouvrage d’éclairer ses choix en vue d’obtenir des contenus et des qualités de prestations adaptés à ses besoins et lui apportant les meilleures garanties.
En rendant légale la signature de l’architecte et en reconnaissant leur présomption de compétences comme pour d’autres professions réglementées. Cela permettrait notamment, de mettre en place, dans des conditions à définir, des permis de construire déclaratifs qui allégeraient les procédures, les moyens administratifs affectés et les délais.
Les architectes sont prêts à relever le défi et ils sont les mieux placés pour porter ces réflexions, avec les habitants et les élus, en y associant dans le cadre de missions de conception globales l’ensemble des partenaires de la maîtrise d’œuvre, ingénieurs,bureaux d’études, paysagistes, et pour la réalisation les petites et moyennes entreprises, les groupes du BTP régionaux et nationaux.
Nos constructions d’aujourd’hui sont le patrimoine de demain.
Régis Chaumont, Président de l’UNSFA