AEF : Le congrès des architectes, organisé par l’Unsfa, s’est tenu à Metz les 12, 13 et 14 octobre derniers. Vous y avez été réélu (lire sur AEF) pour deux ans. Environ 800 personnes étaient présentes… Avez-vous regretté l’absence de la ministre de la Culture Françoise Nyssen ?
Régis Chaumont : Il y avait des acteurs de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage. Parmi les élus, nous avons reçu le maire de Metz, des représentants du département et de la région. Nous regrettons toutefois l’absence de responsables politiques nationaux, notamment de la ministre de la Culture [tutelle des architectes]. Nos tables rondes sur l’évolution de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, sur le permis de faire |lire sur AEF] et sur la future loi logement, auraient pourtant nécessité une intervention de la parole politique. Car à l’Unsfa, nous sommes les premiers représentants des architectes, et de loin, avec notre structure fédérale de 50 syndicats présents sur tout le territoire et une représentativité, qui atteint désormais 70%. Nous avons des choses à dire et nous devons être entendus pour mettre en valeur la vraie place des architectes et de l’architecture dans le cadre de vie.
AEF : Sur quels points auriez-vous aimé être entendus ?
Régis Chaumont : La loi logement qui est en préparation. Heureusement, depuis le Congrès de Metz nous avons pu ouvrir un dialogue avec le ministère du Logement, et nous espérons être entendus. Cette loi nous a fait craindre des mesures qui iraient à l’encontre des progrès introduits par la loi LCap. Il est primordial de maintenir le concours dans le logement social, rétabli par cette loi votée en juillet 2016 [lire sur AEF]. Nous voulons avoir confirmation que la loi MOP n’est pas remise en cause dans la réalisation de logements sociaux. On entend souvent que faire appel à un architecte occasionnerait un surcoût, ce n’est pas la vérité : le coût des études préalables menées par les architectes représente 2% du coût total d’un projet sur trente ans, mais apporte le choix, la qualité et une bénéfique maturation du projet. Alors qu’en conception réalisation ou en Vefa, les architectes sont tenus à distance des bailleurs sociaux, au détriment de la qualité finale. Nous voulons être au service de la Maîtrise d’ouvrage et nos agences assument ces projets, avec toutes les exigences de qualité, de coût et de délais.
Nous avons voté une résolution le 12 octobre à Metz pour rappeler que le logement n’est pas un bien de consommation comme un autre et réaffirmer de ce fait notre attachement à la nécessité de construire et de rénover plus et mieux des logements d’une grande qualité d’usage. En offrant à tous les usagers un haut niveau d’architecture et d’intégration urbaine, dans le secteur aidé comme le secteur libre.
AEF : Vous militez aussi pour que les architectes puissent déposer les permis de construire sous le régime de la déclaration.
Régis Chaumont : Par défaut, la parole des autres professions libérales est reconnue d’autorité et leur savoir n’est pas mis en doute. Dans la même logique, le permis de construire déposé par un architecte devrait être considéré comme correctement constitué puisque la loi lui confie cette mission d’intérêt public. On pourrait donc aller plus loin que la loi LCap qui avec son article 89 (1) crée un embryon de progrès (en réduisant la durée de l’instruction, sans en changer les modalités) et décider que tout permis en dessous de 150m2 déposé par un architecte peut se faire sous le système de la déclaration préalable. Cela permettrait d’alléger le travail des services instructeurs -qui conserveraient le contrôle des dossiers avec le pouvoir d’émettre un refus motivé- et soulagerait les finances des communes. Les procédures seraient conduites plus rapidement. Dans le même état d’esprit, Je travaille dans une région sismique [Alpes-de-Hautes-Provence] avec une forte sinistralité consécutive au non-respect des règles de construction. Ce serait salvateur de faire superviser la réalisation des travaux par l’architecte, en évitant des sinistres extrêmement onéreux.
Nous devons mieux faire connaître nos compétences et nous serons présents au Salon des maires les 21, 22 et 23 novembre à la Porte de Versailles pour bien les informer. Les petites communes doivent savoir que les architectes sont au service des maires pour de multiples études ou d’aides à la décision.
AEF : Vous êtes aussi toujours mobilisés pour le maintien du permis d’aménager récemment rénové…
Régis Chaumont : Oui, c’est un vrai progrès apporté par l’article 81 de la loi LCap [l’obligation de recourir à un architecte pour établir le projet architectural, paysager et environnemental d’un lotissement dont la surface de terrain à aménager est supérieure à 2 500 mètres carrés, lire sur AEF]. Les géomètres-experts ont perçu cette disposition comme une contrainte, mais, nous leur répondons que, d’une part les lotissements ne se feront jamais sans géomètre et que, d’autre part est indispensable de recourir à une conception volumétrique élaborée [et donc aux architectes] au stade de la découpe foncière puisque nous sommes dans une politique de densification et que les terrains sont de plus en plus petits. Les formes, leurs dispositions, le tracé des voies et des réseaux sont de plus en plus liés aux constructions et donc au travail des architectes…
Nous saluons la rapidité avec laquelle ont été pris les décrets d’application de la loi LCap [bien qu’il manque ceux concernant une partie du permis de faire, lire sur AEF]. Après la loi MOP de 1985, il avait fallu huit ans pour que sortent les décrets ! Et, nous restons particulièrement mobilisés sur la future loi logement.
AEF : Vous accompagnez les transformations de la profession. En interne, quels axes allez-vous développer ?
Régis Chaumont : Nous allons poursuivre le travail sur la qualité de la formation initiale et l’insertion des jeunes architectes, qui est à améliorer. Il faudra notamment organiser l’accompagnement et la transmission des agences aux plus jeunes. Nous serons vigilants aussi sur la formation continue et poursuivons notre travail syndical sur la mise en réseau des architectes pour valoriser davantage leurs compétences. Le BIM est un axe important de notre politique de formation.
Nous devons aussi avancer sur des questions comme celle de la responsabilité professionnelle des architectes, aujourd’hui lourde et asphyxiante. Il faut reconsidérer la présomption de responsabilité qui date du XIXème siècle à une époque où les architectes ont été confondus avec les entreprises.
Les architectes doivent pouvoir mettre à la disposition de toutes leurs compétences et intervenir dans des missions allégées où ils peuvent dispenser leurs conseils sans le carcan de la responsabilité de la maîtrise d’œuvre. Il ne s’agit pas de nous soustraire à ces responsabilités, mais d’apporter un service meilleur parce que plus libre.
Qu’apporte le savoir-faire d’un architecte ? La qualité du diagnostic, la proposition de meilleurs choix. Après, dans la réalisation de petits travaux, pour le percement d’un mur- par exemple, un entrepreneur saura comment faire et l’architecte ne doit pas être systématiquement présumé responsable d’éventuels dommages qui affecteraient sa réalisation. Il y a une distinction entre le devoir de conseil et l’avis de sachant que l’architecte peut prodiguer, sans qu’il ait à supporter les responsabilités du devoir de conseil. Cette contrainte est un frein à l’intervention des architectes dans de multiples questions qui se posent à tous les usagers pour des travaux de faible ampleur.
L’enjeu est pour les architectes de pouvoir réinvestir la société à toute échelle du cadre de vie. Car actuellement, presque toute la commande privée de petite taille (100 000 maisons individuelles par an, les chantiers de la rénovation et ceux de l’accessibilité) se font sans architecte en raison des risques de responsabilité totalement disproportionnés qui pèsent sur lui. Cette réflexion doit être menée avec les pouvoirs publics. Nous ferons des propositions sur le sujet, courant 2018.